Parfois, autour des enfants, un conflit sourd – ou sonore et visible – se déroule. Ils sont témoins, mais n’ont pas voix au chapitre. On ne leur demande pas leur avis, et encore moins de quoi ils auraient besoin.
Souffrance de l’un des parents par la violence ou par manque d’amour : les enfants voient, encaissent, assistent à l’impuissance de l’un et/ou de l’autre… ils prennent éventuellement des coups perdus au passage, quand ils n’en sont pas la cible directe. Gestes blessants, paroles blessantes, dures, rabaissantes, moqueuses… Ils prennent aussi du « manque d’amour » au passage…
Quelquefois les parents ne nomment pas ce qui se passe, ne s’interposent pas vraiment entre les enfants et l’adulte qui agresse. Les parents qui subissent ne parviennent déjà pas à se protéger eux-mêmes : ils ont le sentiment qu’ils n’en valent pas la peine, qu’ils doivent faire davantage d’efforts, que ce sont eux qui ont tort. Comment alors, en plus, protéger les enfants ?
Tentative de suicide : je ne vaux rien
Quelles conséquences pour les enfants, qui deviennent adolescents ? Quelquefois, la sensation – et j’insiste sur le mot sensation, parce que c’est véritablement physique – qu’ils n’ont pas d’énergie. Ils sont atterrés, épuisés, parce qu’ils sont impuissants et bloqués dans le déploiement de leur énergie de vie. Parce qu’ils passent toute cette énergie à se défendre contre leur peur, à se défendre de leurs angoisses que l’un ou l’autre parent soit agressé, ou qu’eux-mêmes le soient. L’hypervigilance, souvent très silencieuse, mobilise tous leurs moyens. Certains enfants et adolescents ne dorment pas ou pas bien la nuit, parce qu’ils perçoivent que quelqu’un (y compris eux) pourrait souffrir. Parce qu’ils retiennent en eux tout ce besoin de modifier une situation intenable – et derrière l’impuissance est la rage, qui mène au désespoir si elle ne trouve pas un débouché salvateur.
L’idée qu’ils peuvent en retenir, parfois de façon non consciente, c’est qu’ils n’en valent pas la peine. Si personne ne les protège, si le parent victime ne les protège pas, n’est-ce pas qu’ils n’ont aucune valeur, que leur vie passe au second plan ? Alors que leur vie devrait être sur le même plan que celle des adultes.
Tentative de suicide : je suis un fardeau
Certains parents ne réagissent au contraire que pour leurs enfants. Eux-mêmes mal traités, ils n’acceptent pas que leurs enfants subissent la même chose. Le recul qu’ils ne parviennent pas à avoir pour eux, ils l’ont pour leurs enfants. La valeur qu’ils ne s’accordent pas, ils la reconnaissent à leurs enfants. Et là, dans un sursaut, ils trouvent l’énergie pour amorcer des changements.
Mais les enfants n’y trouvent pas toujours leur compte non plus : comment accepter qu’un parent veuille nous protéger s’il se laisse, lui, malmener ? C’est incohérent, et tous les enfants ont besoin de cohérence.
Quel est ce sacrifice incompréhensible ? Les enfants souffrent de cette différence de traitement, de cette contradiction. Ils en concluent parfois qu’ils sont un fardeau, puisque le parent dépense pour eux de l’énergie qu’il ne dépense pas pour lui-même ou elle-même.
Aider les couples pour aider les enfants et les adolescents
Les parents, plutôt que d’endurer des conflits de couple, et d’essayer de « tenir »; plutôt que de se dire « nos histoires ne regardent pas les enfants », « ce sont des conflits de couple », devraient se préoccuper de ce que leurs enfants ressentent, pensent, ont envie d’exprimer. Pas pour leur dire : « ne t’inquiètes pas, ne t’en occupes pas ». Les enfants ont besoin d’être écoutés, entendus. Ils ont besoin que les parents résolvent leurs conflits, que la paix accompagne leur chemin de vie débutant. Au prix d’une séparation, qui peut apaiser les climats.
Les thérapeutes de couple savent combien les couples qui consultent viennent souvent tard, pour ne pas dire trop tard. Des conflits qui se sont envenimés au-delà d’un certain seuil sont difficiles à résoudre. Il faudrait que les parents n’attendent pas. Qu’ils mettent la santé psychique de tous les membres de la famille au même plan que la santé physique, en première place.
Et les thérapeutes d’enfants et d’adolescents devraient aider les parents, non seulement en tant que parents, mais en tant que couple. Au besoin en les orientant vers des thérapeutes de couple, s’ils ne peuvent pas les accompagner eux-mêmes. Non pour les culpabiliser, mais pour les soutenir.
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