Donner de la place à l’émotion… dans son corps
Un exercice que vous pouvez essayer de faire lorsque vous ressentez une émotion qui vous tend, vous noue, vous bloque, c’est de ne pas la « coincer » dans une partie de votre corps : mais de la laisser circuler partout en vous.
Nos tensions physiques proviennent parfois d’émotions que nous essayons de retenir, de contenir, de bloquer : soit parce que nous n’avons pas appris à vivre ces émotions de façon fluide, en les partageant, en les laissant circuler en nous – le modèle familial puis scolaire n’était pas celui-là. Soit parce que que cette émotion est nouvelle, et que nous ne savons pas qu’en faire. Ou bien encore notre organisme a enregistré qu’à un moment de notre vie il avait pu être dangereux de la laisser se manifester, et qu’il fallait donc à tout prix la réduire et la contrôler.
Mais une fois devenu adulte, parfois même adolescent, on sent que l’on peut accueillir cette tristesse / colère / frustration / peur, etc. Et que la difficulté, c’est qu’elle est « bloquée » par le souvenir de l’expérience – par exemple dans la gorge, ou dans le coeur, ou dans les bras, le ventre… etc.
Il est possible que nous puissions l’accueillir simplement parce que notre corps a grandi… et que notre émotion d’enfant peut maintenant y trouver suffisamment de place. Cela paraît trop mécaniste ? Pourtant, il y a de cela. C’est logique.
Il est aussi possible que nous ayons mûri, émotionnellement, comme l’explique Catherine Guégen dans Pour une enfance heureuse : notre cerveau et nos capacités à réguler nos émotions évoluent jusqu’après 20 ans (1), à condition d’être dans un environnement favorable – écoute, partage, possibilité de se ressourcer. Au fur et à mesure que nous grandissons, deux structures en particulier, le cortex cingulaire antérieur, et le cortex orbito-frontal, en lien avec de nombreuses autres aires du cerveau, se développent et nous aident à prendre du recul vis-à-vis de nos émotions.
Quoi qu’il en soit, cette technique consiste à ne pas contracter notre corps pour essayer de circonscrire l’émotion dans une partie de votre corps, mais au contraire d’ouvrir l’espace physique intérieur pour que l’émotion puisse y circuler complètement.
Vous pouvez l’expérimenter si vous n’êtes pas en proie à une émotion trop intense – dans ce dernier cas, faites appel à un thérapeute ou à un(e) ami(e).
Ne pas nier l’émotion ni la situation
Je précise qu’il ne s’agit pas ici de nier tout ce qui a provoqué cette émotion, de s’en « libérer » et de prétendre qu’elle n’existe pas, ou que nous avons créé cette émotion de façon artificielle. Cette émotion est saine au départ, car elle apporte de l’information sur une situation, passée, présente, ou à venir, et vous indique que quelque chose ne vous convient pas. Et qu’il faut peut-être agir. Mais si elle est trop récurrente, et invalidante – c’est à dire qu’elle vous empêche de réfléchir et d’agir de façon cohérente et intelligente en fonction de la situation présente – il est important de ne pas se laisser bloquer par elle.
Et il ne s’agit pas de lutter contre l’émotion : il s’agit de la laisser vous informer, puis de la laisser s’évacuer.
Visualisation : votre corps comme une maison
Cette image peut vous aider : visualisez votre corps comme une maison, dont vous ouvrez toutes les pièces, prêtes à accueillir cette émotion, que vous contraignez pour l’instant à rester dans une partie de votre corps. Voyez comment chaque endroit de cette maison accueille cela : il y a de la place pour toute cette émotion. Chaque pièce offre son espace. Observez ce qui se passe dans votre corps lorsque vous faites cela.
Une cliente à qui j’avais proposé cet exercice avait décrit comment les sensations liées à l’émotion « descendaient » dans le corps, au fur et à mesure, vers ses jambes, puis ses pieds.
Un homme sentait, lui, des fourmillements aux extrémités des membres, et un gargouillement dans le ventre. Nous sommes restés attentifs à ces fourmillements et à ce gargouillement, et ces sensations se sont « dissoutes » au bout de quelques minutes. Nous avons pris le temps. Il s’est senti détendu ensuite, et le sujet qu’il avait évoqué, et qui le préoccupait, lui est apparu sous un autre angle.
Chaque personne étant différente, ce que VOUS ressentirez dans VOTRE corps vous sera propre.
Si l’image de la maison ne vous « parle » pas, comme on dit, vous pouvez en utiliser d’autres : imaginez que vous êtes une forêt, par exemple, et que vous pouvez laisser se répandre votre émotion partout sur ce territoire, entre les arbres.
N’hésitez pas à utiliser d’autres métaphores ! Toujours avec la conscience de votre corps : quelles sont mes réactions physiques quand j’imagine cela ?
(1) Catherine GUEGEN, Pour une enfance heureuse, 2016, format poche.