De plus en plus de thérapies proposent de s’occuper de l’enfant intérieur.
Qui est cet enfant intérieur ?
Et pourquoi s’en occuper ?
Nous adresser à l’enfant intérieur, c’est nous adresser à la partie de nous qui n’est pas guérie, alors que notre partie adulte peut l’être.
Je vous donne un exemple : une cliente éprouvait beaucoup de colère quand elle repensait au divorce de ses parents et à leurs comportements violents – ruptures brusques de contact, mots violents utilisés par les parents l’un contre l’autre, refus de l’un d’entre eux de payer la pension parce qu’elle, adolescente, voulait continuer à maintenir le lien avec son autre parent, etc. Cette colère a peu à peu diminué, au fur et à mesure que cette cliente – appelons-la Mélanie – prenait conscience de tout ce qu’elle avait enduré et subi, impuissante, et qu’elle pouvait partager avec moi. Mais impossible de passer à autre chose et de s’occuper de sa propre vie amoureuse : un fond de colère tournait en elle, et la focalisait encore et toujours sur ce divorce. Je lui ai alors proposé d’observer la petite fille qu’elle avait été : et de dialoguer avec elle – dans ce cas j’ai utilisé la Gestalt-thérapie, qui permet de faire cela de plusieurs manières. Cette patiente s’est alors rendu compte que si elle, adulte, était en colère, la petite fille, par contre, éprouvait une grande tristesse… En l’accueillant, en l’exprimant, en la déchargeant peu à peu, cette tristesse s’est apaisée. Et revenue à sa place d’adulte, Mélanie, cette fois-ci, a constaté que sa colère avait disparu. Elle se sentait soulagée, « plus entière ». Et disposée à s’occuper de sa vie présente.
Pourquoi des sentiments différents chez l’adulte que nous sommes,
et chez notre « enfant intérieur » ?
Paul Rebillot décrivait ainsi la blessure d’un enfant : « Là où un enfant est blessé, s’il n’a pas la possibilité de se guérir tout de suite, il reste blessé à cet endroit de sa vie, dans cette situation-là. Et il grandit autour de cette blessure, [s’il reste vivant, c’est moi qui rajoute] il se développe, devient adulte. Mais s’il est à nouveau blessé dans cette situation, il redevient l’enfant qu’il a été, et réagit comme lui. Si nous voulons le guérir, il faut aller à l’endroit, au moment où il a été blessé. »
Ainsi nous réagissons parfois de façon disproportionnée, ou décalée, sans recul. On peut par exemple se sentir brusquement tout petit face à quelqu’un qui affirme quelque chose de façon péremptoire ; au contraire, avoir l’impression de gonfler comme un ballon de baudruche, à peine retenu par le plafond, en entendant un compliment ; ou se sentir atrocement jaloux, ou frustré, ou agacé etc. ; alors qu’une partie de nous sent bien que nous sommes « à côté de la plaque ».
« Toi, mon moi enfant, tu es donc en colère ? »
Nous pouvons donc, en tant qu’adulte, réagir comme l’enfant que nous avons été, mais pas toujours : parfois, nous réagissons avec l’émotion de l’adulte que nous sommes devenus, un adulte qui a les moyens de réagir aux situations désagréables. Dans le cas de Mélanie, elle avait désormais les moyens d’être en colère, d’exprimer son énergie de combat. Mais quelque chose l’empêchait d’en sortir parce qu’elle n’avait pas encore été en contact avec la tristesse, qu’elle avait ressentie lorsqu’elle était enfant, et qu’elle n’avait pas pu exprimer (tout comme sa colère d’ailleurs).
Un autre exemple est celui d’une patiente que je nommerai Adeline. A trente ans, heureuse dans son couple, elle éprouvait de la difficulté à communiquer avec ses parents, qui lui reprochaient de ne pas les écouter suffisamment, alors qu’elle avait au contraire le sentiment qu’eux ne s’intéressaient pas à elle, ne lui posant jamais de questions sur sa vie, pas curieux de savoir ce qu’elle faisait dans son travail ou ses loisirs, et refusant de l’écouter quand elle évoquait ses soucis. « Je m’en rends compte de plus en plus, et mes frères et soeurs me le confirment, me dit-elle lors d’une séance. Cela a toujours été comme cela. Mes parents sont submergés par leurs problèmes et c’est nous qui sommes d’abord priés de les écouter, de les aider, comme si c’était nous les parents, finalement depuis que nous sommes enfants. Mais quelque chose me fait douter : n’est-ce pas moi qui suis égoïste ? Est-ce que je peux demander à mes parents de s’intéresser à moi, à ma vie ? Est-ce que je ne demande pas trop ? » Adeline avait peu confiance en elle, en ses besoins, et dans sa perception de ce qui se passait objectivement dans une relation.
Ce doute, d’où venait-il ? Car intellectuellement, elle se rendait compte que ses parents ne l’écoutaient pas : c’était un fait. Mais émotionnellement, quelque chose venait l’empêcher de se fier complètement à ses perceptions.
Faire comme si tout allait bien : le déni qui sauve
Je lui ai proposé de porter sa conscience sur ses sensations physiques : Adeline m’a décrit une tension dans la gorge et une crispation des muscles des trapèzes. Je lui ai demandé si elle pouvait situer, intuitivement, sans trop réfléchir, quel âge de son enfance ou de son adolescence elle voyait avec ces sensations-là. « Six ans », me dit-elle. « Six ans… qu’est-ce que vous voyez de vos six ans ? » Elle a réfléchi, dubitative… « Je me vois dans le salon. Mon oncle est là, il joue avec moi aux petites voitures qu’il vient de m’offrir. C’est agréable. Mon oncle, lui, était attentif à nous, à moi. » « Donc c’est un bon souvenir ? Pourquoi alors ces tensions ? Qu’est-ce qui ne va pas ? » Hésitation. « Ca allait bien, justement. Puisque mon oncle était là ». « Quand il n’était pas là, ça n’allait donc pas ? Ou moins bien ? » Adeline était perplexe. « Oui, bien sûr, mais je ne le sens pas, je trouve que c’est bien, là, avec mon oncle. Je ne vois rien du reste de ma vie à ce moment-là. » « Pouvez-vous vous adresser à la petite Adeline, vous, en tant qu’adulte ? Et lui demander comment elle va ? Si quelque chose ne lui convient pas ? » Adeline ferme les yeux, visualise la scène : « Elle me dit que tout va bien, dit-elle. En fait, ajoute-t-elle, elle fait comme si. Comme si tout allait bien. »
Nous nous trouvions là dans un exemple du déni auquel un enfant doit souvent recourir pour survivre : sans possibilité de changer une situation stressante, l’enfant se coupe de ses sensations, de ses émotions, par un mécanisme physiologique instinctif, afin de traverser cette situation. S’il n’y parvient pas, il peut tomber malade, envahi par les hormones de stress (adrénaline, cortisol) qui mettent à mal son système immunitaire. Ou bien il réagit par des symptômes qui peuvent varier à l’infini – agitation, prostration, tics, agressivité, tocs, évitement, etc.
C’est donc pour lui une chance de survie « lisse », si je puis dire, d’avoir assez d’énergie pour faire comme si rien ne se passait… Une anesthésie qui pourra cesser plus tard dans sa vie, soit dans des expériences heureuses, soit au contraire dans l’apparition de symptômes, soit au cours d’une psychothérapie.
Pour revenir à Adeline, la petite fille qu’elle avait été s’était interdit de prendre totalement conscience que ses parents ne parvenaient pas à s’intéresser à elle, afin de ne pas être envahie par un stress dont elle n’aurait pas su que faire ; il n’était donc pas étonnant qu’une fois adulte, une partie d’elle continue à s’empêcher de voir la vérité. La partie instinctive de son cerveau n’avait pas encore relâché la garde et « pris conscience », si je puis dire, que l’adulte pouvait accueillir le stress de la vérité – être transparente, ne pas recevoir l’intérêt de ses parents, qu’elle aimait tant.
Je lui ai proposé de continuer à dialoguer avec cette petite fille, qui n’avait pas encore la conscience atteinte par Adeline adulte. En offrant à la petite Adeline suffisamment de sécurité pour qu’elle puisse sortir de son déni et se reconnecter avec sa souffrance, l’enfant a pu aussi identifier ses besoins, les exprimer… et les vivre – dans son imagination. Le relâchement corporel qui a suivi a été « enregistré » physiquement par Adeline. Et lui a permis de voir cette vérité de sa relation avec ses parents sans être détruite.
Changer de programme, à volonté
Cet enfant intérieur, le guérir, l’écouter, lui donner ce dont il a besoin, c’est permettre à l’adulte de ne pas vivre avec le même programme automatique que l’on pourrait décrire de cette manière :
- je me trouve dans cette situation,
- or j’y ai survécu et je l’ai traversée en étant … indifférent(e)/ agressive/ triste/ souriant(e), en me cachant, en étant performant(e) etc. (il existe des dizaines de mécanismes de défense)
- donc je vais y survivre encore en appliquant la même stratégie.
Ceci est un programme automatique : si nous n’avons pas pu décharger les émotions bloquées, et que notre cerveau reptilien est toujours « engagé » dans notre défense, il ne baissera pas la garde. Nous pouvons en être conscient – c’est déjà un progrès – et observer notre comportement : cela ne change pas toujours, ou alors parfois au prix d’efforts énormes pour contrôler notre comportement ou nos émotions.
Mais l’idée, ce n’est pas de contrôler, mais bien que, grâce à la thérapie, notre comportement, dans notre vie, change facilement. Que nous n’ayons plus à réfléchir à chaque instant.
Et ce changement, ce lâcher-prise, il vient, dans mon expérience, après un travail global, qui inclut nos émotions, nos sentiments, et notre corps.
Un cap : donner de l’amour à notre enfant intérieur
Souvent, les thérapeutes proposent aux adultes en thérapie de donner l’amour qu’ils n’ont pas reçu à l’enfant qu’ils ont été.
Ce n’est pas toujours facile, parce qu’on peut être en colère contre cette partie de nous qui n’a rien pu faire en tant qu’enfant. On peut aussi être incapable de prendre cela en charge, de trouver la force de se donner quelque chose que l’on n’a jamais ou pas assez reçu. Ou bien encore la connexion avec nous-même, nos sentiments, en tant qu’enfant a été tellement évitée, niée, qu’il peut être impossible, pendant tout un temps, de passer ce cap.
Car pour moi, c’est un cap : nourri par de bonnes expériences d’amitié, ou d’amour, ou de relation thérapeutique soutenante, une personne peut enfin parvenir à être son propre père, sa propre mère... intérieurs, eux aussi (ça en fait du monde, à l’intérieur !). Ainsi soutenue, elle peut répondre à ses besoins de façon plus appropriée, prendre soin de sa vulnérabilité, et avoir davantage confiance dans les relations avec les autres.
Des thérapies comme la Somatic Experiencing, l’Intégration du Cycle de Vie, la Gestalt-thérapie, Matrix Reimprinting, etc. déclinent à leur manière la guérison de l’enfant intérieur. Lui donner de la sécurité, écouter ses besoins, lui permettre de retrouver une détente corporelle pour la mémoriser et choisir instinctivement, ensuite, dans notre vie, les chemins qui vont à nouveau nous y mener : notre mémoire profonde, ancienne, en ressent les bienfaits dans le présent.
Prochain article :
Changer le passé pour changer le présent…
(si, si, c’est possible… et ce n’est pas du déni).
[sg_popup id= »5″ event= »onload »][/sg_popup]
Recherches utilisées pour trouver cet article, , enfant interieur, , colere contre ses parents psychothérapie, , enfant intérieur travail, , https://psychologiepsychotherapie com/lenfant-interieur-il-est-ou/, , l\enfant interieur, , mon enfant interieur est mort, , petite égratignures intérieure du nez chez enfant, , quand l enfant interieur se reveille,