Amour et chocolat
On peut vous dire : “j’ai du chocolat pour toi”, si l’on ajoute : “mais il est dans le placard, tu ne peux pas en manger”, quel est l’intérêt de ce chocolat ? Pardonnez-moi cette métaphore – elle n’est sans doute pas innocente pour moi – mais c’est la même chose pour l’amour et l’affection. “Ton père (ou ta mère) t’aime, même s’il (ou elle) ne te le montre pas” : mais alors, qu’est-ce que l’amour, s’il n’est pas effectivement donné ? Un “concept” ? Une idée abstraite ? La présence, la disponibilité, le temps sont incontournables.
Les enfants qui manquent de l’un de leurs parents, et surtout de leur mère, développent des symptômes qui peuvent être graves et aller jusqu’aux idées suicidaires. Je ne suis pas digne de l’amour de ma mère, ou de mon père, s’ils ne sont pas là pour s’occuper de moi. Quelle valeur ai-je donc ?
Et si, de plus, cette absence d’attention se double d’une véritable absence physique, comme je l’écris au début de cet article, il est très difficile d’avoir une prise sur ce que cela provoque en nous.
Un enfant a besoin de la présence et de la disponibilité rassurante d’adultes, en chair et en os, avec leur voix, leur contact, leur âme. Des paroles théoriques (“on t’aime”) ou les écrans-nounous ne remplacent en rien cela, et creusent au contraire la coupure émotionnelle (l’incapacité à sentir ses propres émotions) et le manque de socialisation.
Les plaisanteries rejetantes (“je vais t’échanger”, ou “allez, je t’ai assez vu.e”, ou “faites des gosses !”), ou même le fait de traiter ses enfants de “monstres” (“ah, les petits monstres, les petits chieurs”) provoquent des fermetures de protection, des retraits et des pertes d’énergie alors que les enfants en ont bien besoin pour construire des relations confiantes et soutenantes.
L’hospitalisme1, ou la maladie de la séparation
Des nourrissons sont placés en orphelinat, bien nourris, bien habillés, propres. Mais on ne s’occupe d’eux que pour les soins physiques, matériels. Le taux de mortalité est élevé, ces enfants tombent vite en dépression et peuvent en mourir. C’est ce qu’a relaté René Spitz, médecin émigré aux Etats-Unis, et qui nota, après avoir demandé aux puéricultrices de prendre ces bébés dans les bras, de leur parler et de leur chanter des berceuses, que le taux de mortalité se mettait à baisser considérablement. Il appela cette maladie de la séparation “l’hospitalisme”.
Souffrir d’un manque de relation peut arriver à tout être humain : nous sommes faits pour les échanges, pour du contact amical et affectueux, et si nous en manquons, nous dépérissons. Mais les enfants sont tout particulièrement exposés, parce que leur cerveau, tout leur corps, leur âme ne sont pas mûrs pour supporter une séparation, d’une part, et ils ne peuvent guère aller chercher de l’affection ailleurs, d’autre part.
(1) https://www.allodocteurs.fr/actualite-sante-hospitalisme-le-syndrome-des-pouponnieres_332.html : quelques très bonnes vidéos sur l’hospitalisme, qui montrent notamment le syndrome du “train d’atterrissage” des nourrissons abandonnés (remontée des jambes qui ne se posent pas quand on les dépose dans leur lit) . Très intéressant pour les thérapeutes travaillant en psycho-corporel, à observer pour aider nos patients.
Recherches utilisées pour trouver cet article, , https://psychologiepsychotherapie com/pour-un-enfant-labandon-la-mort-lhorizon-3/,